C’est quoi un ordre initiatique?

La Franc-maçonnerie n’est pas une organisation comme d’autres, ce n’est pas une association caritative ou culturelle, ni un club, ni un cercle ou un syndicat, c’est un ordre initiatique qui perpétue une tradition depuis plusieurs siècles.

Le guide suprême vous explique ce qu’est un ordre initiatique !

Un peu d’histoire pour commencer

La franc-maçonnerie moderne a ses racines dans la maçonnerie dite « opérative » née en écosse autour des corporations de bâtisseurs et comme sources plusieurs textes rédigés entre les XIVe et XVIIIe (1390 – Le Regius) qui sont à la croisée du sacré et du corporatisme.

Dès la fin du XVIe, des documents attestent d’une activité maçonnique (Loge d’Édimbourg N° 1- Écosse – 1599) et qu’il existait des loges qui se réunissaient notamment à Kilwinning (Ecosse) et en Angleterre empruntant aux Old Charges (Anciens devoirs) comme aux statuts Shaw (1598) ou aux manuscrits des archives d’ Édimbourg (1696), les grands principes et les récits qui ont accompagné leurs travaux.

Entre la défense des métiers de maçons et de bâtisseurs, et l’édiction de règles morales, professionnelles et parfois religieuses, ces textes ont été la matrice des constitutions d’Anderson (1723) lorsque la Grande Loge de Londres et de Westminster constituée en 1717, elle prend le nom de Grande Loge d’Angleterre qu’en 1738, décidait de rassembler et d’harmoniser les activités de toutes les loges.

Le pasteur Écossais James Anderson, un des acteurs principaux

C’est le pasteur écossais James Anderson et le huguenot français Jean Théophile Désaguliers, qui écrivent et supervisent cette première constitution qui gardera le nom d’Anderson (Londres-1723) pour s’imposer au sein de la franc-maçonnerie anglo-saxonne à partir de sa version de 1813, lorsque la Grande Loge Unie d’Angleterre (G.L.U.A.) met fin au schisme (anciens et modernes) vécu dans la maçonnerie en Grande Bretagne.

On peut dire que la franc-maçonnerie moderne prend forme sous l’effet conjugué de la maçonnerie opérative (opératif maçons/bâtisseurs), de l’ouverture des loges aux non constructeurs (gentlemen masons/noblesse et bourgeoisie) et de l’idéal des lumières et du rationalisme de ce début du 18e siècle.

Une constitution pour fédérer les francs-maçons

Cette constitution, plusieurs fois adaptée, reste encore valable aujourd’hui pour la maçonnerie anglo-saxonne , alors qu’en France elle ne le fut pas vraiment ou alors très tardivement et que par certaines obédiences, mais elle est malgré tout une référence.

C’est un peu plus tard qu’elle deviendra vraiment incompatible avec un certain courant de la franc-maçonnerie française puisque la croyance en Dieu va disparaître en 1877 lorsque le Grand Orient de France supprimera dans ses textes la référence à « l’existence de Dieu » et à « l’immortalité de l’âme » pour le remplacer par « le grand architecte de l’univers » ou G.A.D.L.U. permettant à tous, croyants, athées et agnostiques de devenir franc-maçon.

Ce changement bouleverse le paysage maçonnique français et crée une réelle scission entre les obédiences dite libérales ou adogmatiques qui posent comme principe « la liberté absolue de conscience » en n’imposant aucune croyance à ses membres et le courant déiste (anglo-saxon) qui fixe comme principe la croyance en Dieu et en une vérité révélée.

Un autre point de divergence entre le courant anglo-saxon ou régulier et les irréguliers ou les libéraux est l’interdiction d’aborder en loge des sujets politiques ou religieux pour les premiers tandis que le social et les faits de société sont très courants pour les seconds.

L’Ordre, une maison commune pour tous les francs-maçons

À partir de cette époque, s’opère une transition de l’opératif (constructeur) vers le spéculatif (non constructeur) transformant progressivement la sociologie des francs-maçons (gentlemen maçons) pour en faire évoluer aussi les grands principes en substituant respectivement aux olds charges (obligations) l’amélioration spirituelle et matérielle de l’homme et de la société, aux outils de l’ouvrier les symboles et à la défense et la promotion des ouvriers la progression initiatique par des grades.

Les obédiences vont ainsi prendre en charge le développement de ces nouvelles organisations obédientielles (créations de loges, communication, vie démocratique, finances, politiques immobilières, etc.) tandis que les loges veilleront sur l’ordre maçonnique (la tradition, la transmission, l’initiatique, le symbolique et la fraternité).

L’obédience devient un outil au service du fonctionnement des loges et de la cohérence du projet collectif (représentation, cotisations, procédures administratives, la solidarité, les relations entre les obédiences, etc.) tandis que l’ordre, l’essence même de la franc-maçonnerie, est au cœur du projet spirituel et philosophique de chaque loge (libertés des loges, conservation des rites, liberté d’initiation, progression initiatique).

Apparu pour la première fois dans le discours de Ramsay prononcé dans une loge parisienne en 1736, autre texte fondateur de la franc-maçonnerie, l’ordre maçonnique est associé aux ordres chevaleresques et religieux afin de faire remonter ses sources aux croisades et lui donner une nouvelle dimension philosophique et symbolique. 

C’est donc à partir de cette allégorie historique (représentation d’une idée abstraite) qu’il engage la franc-maçonnerie, surtout française, dans une nouvelle vision et qu’il introduit des nouvelles valeurs comme l’humanisme, l’universalisme et le progrès pour l’amélioration de l’homme et de la société.

Ainsi, les loges peuvent exister sans les obédiences, l’inverse n’est pas possible, car ce sont elles qui sont les représentantes d’un ordre initiatique universel et détentrice notamment du pouvoir d’initiation.

Les rites, un patrimoine commun

Cet ordre maçonnique s’est constitué au sein d’une matrice composée de traditions, de connaissances, de pratiques et de valeurs et transmise au fil des siècles pour former aujourd’hui un cadre initiatique avec une discipline et des rites.

Ainsi, les rites maçonniques sont aujourd’hui assez nombreux, mais les plus répandus sont: le Rite Français (R.F.) pratiqué surtout en France et en Europe, mais aussi au Brésil, le Rite Ecossais Ancien et Accepté (R.E.A.A.) est présent un peu partout dans le monde, on trouve le Rite d’York (R.Y.) essentiellement aux États Unis, tandis que le Rite Émulation (R.E.) est surtout implanté en Grande Bretagne, et enfin, il existe d’autres rites plus confidentiels comme le Rite Écossais Rectifié (R.E.R.), les Rites Égyptiens (R.E.) etc.

Les rites reposent essentiellement sur des rituels, comparables aux offices religieux, qui sont des textes dans lesquels se trouve un ensemble de consignes et recommandations très codifiées de l’organisation des tenues (réunions) ou chaque événement particulier (initiation, reconnaissance, élévation, etc.) a son rituel fixant assez précisément le protocole comme l’utilisation de l’espace, l’ordonnancement du temple, les responsabilités et rôles de chacun, la distribution de la parole, et surtout une rituélie spécifique pour bien faire vivre la cérémonie.

Lors des tenues, rien ou presque n’est improvisé et si la parole est libre, elle doit être respectueuse de l’enceinte, de l’assemblée et du rituel.

Une seule voie mais plusieurs chemins

Chaque puissance maçonnique (voir le guide N°7) inscrit son histoire dans cet ordre maçonnique dans lequel elle fait coexister un ou plusieurs rites dont elle à reçu une habilitation (patente) et si elles tiennent absolument à leur autonomie et indépendance, chacune cultive une spécificité : maçonnique, culturelle ou nationale et n’a aucune relation hiérarchique avec une quelconque supra-autorité. 

Nous voulions insister sur ce point, car si la franc-maçonnerie est accusée de certains maux, c’est sur une mauvaise interprétation des textes qui laisse croire qu’il existe un ordre maçonnique organisé et centralisé gouvernant le monde, ce qui n’est pas du tout une réalité.

En conclusion, 

l’Ordre maçonnique est à la fois:  

  • un parcours initiatique dans un espace symbolique sacré, intime et universel à la fois.
  • des rites avec des mythes, des allégories et des chemins vers la connaissance.
  • une communion d’esprit avec son langage, son vocabulaire et ses symboles.
  • une chaîne de femmes et d’hommes reliés par des serments et des valeurs de tolérance et d’humanisme.
  • une tradition qui voyage dans le temps et l’espace par la transmission.
  • un espace ouvert à des rencontres, des partages, des fêtes, des banquets et ses agapes.
  • une fraternité universelle.

Le guide